Le Messie Militant, ou la Fuite du Ghetto. Histoire de Jacob Frank et du mouvement frankiste…

À l'époque où ce livre (dans sa rédaction originale) était sous presse, le monde fut ahuri par la nouvelle du suicide collectif des membres d'une secte en Guyana. Ce phénomène montrait l'emprise qu'un pseudo-Messie peut avoir sur ses disciples. L'étude d'A. Mandel porte sur un cas du même type. Elle jette un rayon de lumière sur un aspect sombre du XVIIIe siècle et offre une nouvelle vision du Frankisme, cet étrange mélange de messianisme mystique dans la tradition de Sabbataï Zevi, de militarisme et de sexe, avec un rituel orgiaque, et de sionisme. Le Frankisme prit naissance parmi les Juifs de Pologne au début de ce qu'on a appelé l'Émancipation, laissa des traces dans la Révolution francaise et atteignit les rivages des États-Unis.

L'ascension et la chute de Jacob Frank, de sa fille Eva - le Messie féminin - et de son cousin Junius Frey furent aussi déconcertantes pour leurs contemporains qu'elles le sont pour les historiens. En effet, comparés à Frank, tous les gurus passés et présents, les courtisans, et les magnétiseurs politiques ne semblent que de petits maladroits. S'appuyant sur des documents inconnus jusqu'à maintenant, aussi bien que sur une quantité de paroles de Frank qui sonnent comme des slogans contemporains contre l'establishment et pour la libération sexuelle, ce livre replace le Frankisme dans le cadre de son époque, mais en montre aussi l'étonnante “actualité”. C'est un récit fascinant, qui détruit nombre d'images toutes faites, avec verve et esprit.

De plus - ce qui ne manquera pas d'intéresser vivement le public francais - le présent livre a pour autre protagoniste le second cousin de Jacob Frank, ce Junius Brutus Frey - alias Franz Thomas von Schönfeld, alias Moses Dobruschka, à la vie presqu'aussi aventureuse que Frank - qui a joué un rôle énigmatique dans la Révolution française. En effet, après une brillante carrière à la cour des Habsbourg comme fournisseur de l'armée impériale et une autre carrière, occulte et parallèle, dans la mystérieuse société maçonnique magico-cabalistique des “Frères Asiatiques”, il devint, changeant de rôle, à la fois un ardent jacobin, un audacieux spéculateur et autre chose encore. Beau-frère de Chabot, il fut impliqué dans diverses affaires troubles, et Robespierre l'envoya à l'échafaud avec Danton.

L'auteur se livre à une critique de l'idée hassidique de Martin Buber, généralement grossie en Nouvelle Théologie, d'après laquelle « la même action serait mauvaise lorsqu'elle est commise par un homme ordinaire, mais bonne lorsqu'elle est commise par un tsaddiq ».

En annexe, outre une iconographie quasi inédite et la reproduction d'un grand nombre de documents, figure la traduction de l'Histoire de l'Ordre des Frères de Saint Jean l'Evangéliste d'Asie en Europe, par le cabbaliste illuminé F. J. Molitor.